Recherche
Chroniques
Teseo | Thésée
opéra de Georg Friedrich Händel
Second ouvrage lyrique au programme de cette édition du Festival Händel, la tragédie en cinq actes Teseo, composée en 1712 sur un livret de Nicolas Haym adapté du texte de Quinault, fait l’objet d’une mise en scène rafraîchissante qui s’intègre parfaitement aux dimensions du charmant théâtre de campagne de Bad Lauchstädt. Une recette simple et efficace : quelques paravents mobiles permettent la délimitation d’espaces différents, une lumière travaillée et soignée raconte une partie de la pièce, une direction d’acteurs précise qui décline ses propres conventions de jeu dans une vivacité qui jamais ne manque d’humour. Une seule petite erreur : Axel Köhler demande à Teseo de porter Medea en tournant rapidement, sans arrêter de chanter, un effort qui coupe suffisamment le souffle pour que les vocalises s’en trouvent déficientes. Autre réserve : on aurait avantageusement pu se passer du ballet des ombres si c’était pour qu’il fît tant de bruit sans être proportionnellement intéressant ni esthétique ; on y lit l’expression d’un choix faussement naïf qui gâche un peu l’ensemble. Enfin, si nombre des métaphores du spectacle sont de caractère fortement sexuel, ce choix de lecture s’avère parfois réducteur bien que toujours cohérent.
Teseo bénéficie d’une heureuse distribution. Chacun semble se trouver dans son rôle comme un poisson dans l’eau. Les couleurs des timbres correspondent à merveille aux personnages à incarner. Artur Stepanowicz (contre-ténor) donne un Arcane dans le style requis – rappelons que cet opéra est encore très italien, comme en témoignent le Largo de l’Ouverture et l’emploi des luths pour certains récitatifs accompagnés –, d’une émission bien contrôlée, s’appuyant sur des recitativi précis et bien articulés. Il assure un chant intelligent d’une belle qualité sur un timbre de voix attachant et coloré dans les graves, ce qui ajoute aux facultés expressives. Les vocalises de son Piu non cerca liberta (Acte III) affirment un legato appréciable. Egeo est chanté par Johnny Maldonado qui ne convainc guère : nuances réussies mais vocalises approximatives et, surtout étrange placement de la voix (les graves sont appuyés en poitrine, les aigus ouverts, voire plats, et le médium tragiquement absent). Troisième contre-ténor de l’ouvrage, Jörg Waschinski campe un Teseo un peu gauche en scène mais pourvu d’une fort belle musicalité et remarquablement sonore pour ce type de voix. Avec Agilea, il offre des échanges magnifiquement montés, comme le duo Caro/Cara ! ti dono in pegno il cor, par exemple.
Deux immenses talents tiennent les grands rôles féminins. Le soprano Sharon Rostorf-Zamir (Agilea) réunit une diction exemplaire, des recitativi irréprochables, un chant toujours bien mené, sans excès bel cantiste, et à de vraies possibilités dramatiques ; on apprécie tant ses vocalises tout en souplesse, un éventail de nuances assez impressionnant, dans l’aria de fin de l’Acte I, M’adora l’idol moi, qu’une infinie délicatesse dans le doux et triste Deh ! V’aprite, oh luci belle du IV. Citons également sa dernière aria – Si, t’amo, oh caro, quando un di t’amai – dont l’extrême tendresse requiert une maîtrise qu’il est stupéfiant de rencontrer chez une artiste si jeune. Enfin, le mezzo-soprano Maria Riccarda Wesseling arrive du fond du plateau sur un lit de cheveux pour incarner une Medea dévoratrice servie d’un timbre chaleureux, d’un organe large et d’une voix majestueuse. Le rôle ne permet pas de nuancer beaucoup : c’est donc principalement les arie di furia, comme son O stringero nel sen, qui font briller une immense présence scénique. Contre toute attente, Moriro du Moriro, ma vendicata en début de cinquième acte fait montre de douceur, d’une contenance bien menée. Toutes les vocalises et variations s’avèrent simplement prodigieuses.
Si l’orchestre – Lautten Compagney de Berlin dirigée par Wolfgang Katschner – propose une lecture nuancée et théâtrale, le peu de fiabilité des cordes devient vite gênante. En revanche, bravoau chœur, un octuor vocal constitué d’étudiants de l’Institut de Pédagogie de la Musique de l’Université Martin Luther de Halle, jeunes gens enthousiastes auxquels nous devons précision et énergie. L’un des leurs, Mathias Ott, assure honorablement l’apparition de Minerva, Deus ex Machina qui conclut l’opéra.
BB